Mardi 30 septembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
« Pas d’avis de vent fort en cours ni prévu »
Les prévisions de météo marine : explorations linguistiques d’un discours professionnel contraint
Laurent Gautier, université Bourgogne Europe
Résumé :
[Contexte] Cette communication s’inscrit dans le cadre de travaux en cours au sein de l’équipe Modèles & Discours du laboratoire TIL (Université Bourgogne Europe). Elle proposera de premiers résultats d’un travail de recherche sur un sous-corpus du corpus « météo » déjà exploré dans la thèse de Vince Liégeois, en l’occurrence ici les prévisions de météo marine qui se singularisent dans le champ spécialisé considéré par leur caractère sériel et très contraint.
[Questions de recherche] Ce corpus, tout autant singulier qu’inédit, sera présenté à travers le prisme de ses potentialités pour l’analyse linguistique. On cherchera donc à répondre aux questions suivantes :
- Comment aborder ces textes, tant dans leur version écrite que parlée, en termes de discours : discours spécialisés ? discours professionnels ? discours contraints ?
- Si on leur reconnaît l’une des trois caractéristiques ci-dessus, comment « fonctionnent-ils » socio-discursivement dans la communauté de discours visée, celle des « gens de la mer » ?
- En termes micro-linguistiques, comment décrire, à travers la méta-catégorie du figement, les traits morpho-syntaxiques majeurs qui les définissent et peuvent sembler éloignés de la langue générale ?
[Données] Le corpus ainsi interrogé est constitué de bulletins de prévisions publiés par Météo France et donnant, pour chaque jour et pour chaque zone côtière ou de large, un état des lieux de la situation courante, puis les prévisions pour les 24 heures à venir. Même si le focus principal sera mis sur le français, on comparera les éléments mis au jour à un corpus de textes comparables en allemand et en néerlandais pour mieux mettre en évidence la dimension « contrainte ».
Mardi 7 octobre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
Cognats, sémantique et traduction : des pistes pour la sémiologie ?
Jean Szlamowicz, université Bourgogne Europe
Résumé :
Les rapports historiques entre l’anglais et le français sont richement documentés. Or, l’étude contrastives des multiples rapports qu’ils entretiennent (traductions, emprunts, divergences à partir d’une base latine, etc.) illustrent des mécanismes de la constitution des significations. Nous présenterons différentes questions de lexique, comme les cognats (dont certains sont parfois appelés « faux amis »), et différents points de grammaire (comme la traduction des verbes de mouvement et de posture) permettant de réfléchir à la nature proprement linguistique du signe en l’articulant à la théorie de l’indexicalité, à la sémantique des textes et à la théorie de l’énonciation.
Mardi 14 octobre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
La langue littéraire est-elle une langue morte ?
Sandrine Vaudrey-Luigi, université Bourgogne Europe
Résumé :
Issue du déclin de la rhétorique, la notion de « langue littéraire » désigne la langue des écrivains ayant produit entre les années 1850 et 1980-2000 — une langue différente de la langue commune, une langue à part, autonome, activant un imaginaire linguistique et mobilisant tout un ensemble de configurations langagières qui ont été peu à peu stabilisées par différentes théories (notamment celles de Barthes, Bourdieu, Philippe, Vaillant) pour devenir aisément reconnaissables.
Or la fin du XXe siècle et le premier quart du XXIe siècle sont marqués non seulement par une contestation des grands modèles langagiers véhiculés par la langue littéraire mais par un double phénomène : d’une part, l’apparition d’une langue qui renoue avec le discours et semble rejoindre de facto la langue communément parlée, d’autre part l’apparition de nouveaux « genres » littéraires (récits de réparation, feel good, new romance…) qui bousculent codes et théories.
Dans ces conditions, peut-on encore parler de « langue littéraire » lorsque l’on évoque la prose des écrivains du XXIe siècle ? L’incarnation de la parole quotidienne dans la langue de certains auteurs contemporains, l’attention souvent extrême portée au lexique, la désinvolture syntaxique, signent-elles la mort de la langue littéraire ?
Pour répondre à ces questions, on se propose d’examiner, d’une part, comment certains auteurs du dernier quart du XXe siècle ont négocié avec l’imaginaire linguistique dominant, d’autre part comment les auteurs de l’extrême contemporain invitent à se demander, sans nostalgie aucune, si la notion de « langue littéraire » n’est pas datée.
Mardi 21 octobre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
La propagande par les mots ? Véhicules – circulations – angles morts
Isabelle Morillon, université Bourgogne Europe
Résumé :
À partir de deux objets classiques de l’époque contemporaine : novlangue et discours de propagande, cette communication vise à interroger la distinction entre langue et discours dans l’approche linguistique.
Mots creux, langue de bois, de vent, de coton … Que peuvent évoquer de telles expressions – inventées par les sujets parlants – en science du langage ?
Nous aborderons quelques problèmes théoriques soulevés par le mot-concept novlangue et présenterons un exemple d’étude d’un corpus de messages écrits brefs diffusés au quotidien sur divers supports de communication.
Plus précisément, nous proposerons une lecture du contenu conceptuel de ces messages à la lumière du contexte contemporain.
Références indicatives
Kleiber, Georges. 1997. « Sens, référence et existence, que faire de l’extra-linguistique ? » Langages, no 127, 9‑37. https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1997_num_31_127_2123.
Nowicki, Joanna, et Michaël Oustinoff. 2015. « La langue de bois, notion clé du monde contemporain ». Hermès, La Revue n° 71 (1): 201‑7. https://doi.org/10.3917/herm.071.0201.
Nowicki, Johanna. 2010. « De l’insoutenable légèreté occidentale à l’égard de la notion de « langue de bois » ». Hermès, La Revue 3 (58): 23‑28. https://doi.org/10.3917/herm.058.0023.
Poerksen, Uwe. 1994. Plastic Words : The Tyranny of a Modular Language. Pennsylvania University Press.
Rist, Gilbert. 2002. Les Mots du pouvoir : sens et non-sens de la rhétorique internationale. Cahiers de l’UED. Graduate Institute Publications. https://books.openedition.org/iheid/2443?lang=fr.
Robin, Armand. 2002. La Fausse parole. Présentation et Notes de Françoise Morvan. Mazères: Le temps qu’il fait.
Sériot, Patrick. 2013. « La langue pense-t-elle pour nous ? » La linguistique 49 (1): 115‑31. https://doi.org/10.3917/ling.491.0115.
Mardi 4 novembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
Dimension heuristique de la phraséologie
Salah Mejri, université Sorbonne Paris Nord
Résumé :
Le recherche sur la phraséologie s’est imposée actuellement comme un domaine de recherche à part entière ayant un objet propre, une terminologie appropriée et une somme de savoirs non négligeable sur les associations syntagmatiques fixées durablement dans la langue.
L’extension de ce domaine de recherche, initialement réduit aux expressions idiomatiques, a conduit à l’intégration progressive de nouveaux objets comme les collocations, les parémies, les pragmatèmes, les actes de langage stéréotypés, etc. Ce qui a eu comme conséquence la remise en question de certaines notions de linguistique générale et des ouvertures théoriques. Nous en retiendrons à titre d’exemple la triple articulation du langage, la problématique du mot en rapport avec la place qu’il occupe dans le système linguistique et restructuration globale du système langagier.
Il s’agit donc de revenir sur cette dimension heuristique de la phraséologie pour en souligner l’intérêt théorique et épistémologique.
Mardi 18 novembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
Réflexion sur la schématisation guillaumienne
Olivier Soutet, Sorbonne Université
Résumé :
Animées, à juste titre, du souci de scientificité qui s’attache à leur dénomination elle-même, les sciences du langage ont souvent, emprunté, ou essayé d’emprunter, les voies de la formalisation. Si cette tendance se manifeste dès le moment néo-grammairien de la Grammaire Historique et Comparée (sous-tendant en particulier la notion de loi phonétique), elle s’amplifie au XXème siècle, et notamment dans sa seconde moitié.
Cette formalisation passe volontiers, même si ce n’est pas intrinsèquement nécessaire, par le recours à des métalangages censés être débarrassés de toutes les ambiguïtés propres aux langues naturelles. Dans l’ensemble de ces métalangages, les schématisations de style géométrisé occupent une place de choix – sans constituer en soi, notons-le, une totale garantie de formalisation.
Nous proposons de revenir sur l’une d’entre elle, la schématisation guillaumienne (le tenseur binaire radical), dont nous aborderons le soubassement philosophique par le biais d’une confrontation avec la schématisation kantienne.
Mardi 25 novembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
Représenter l’infra-discours : le cas des dialogues de romans
Chantal Rittaud-Hutinet, université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Résumé :
Le sous-entendu fait partie intégrante de nos conversations quotidiennes, qu’on l’appelle non-dit, implicite, infra-discours, dire-sans-dire, sous-texte ou vouloir-dire. Mais transposer dans un roman l’intonation expressive de l’oral demande de trouver des procédés évocateurs et efficaces.
D’où les nombreuses questions que se pose le linguiste pour tenter de savoir comment les écrivains s’y prennent pour faire comprendre les arrière-pensées des répliques de leurs personnages :
. quelles raisons poussent le narrateur à donner des renseignements sur la façon dont un énonciateur a prononcé ce qu’il a dit ;
. quels résultats celui-ci espère de son sous-texte ;
. qu’est-ce qui en advient du côté de l’interlocuteur ;
. quelles sont les ressources lexicales de l’auteur pour évoquer dans esprit du lecteur le sens caché des mots et des phrases, face à celles de l’oralité « réelle » ;
. jusqu’à quel point est réussie la restitution de ce que transmet dans les interlocutions la prosodie sémantique ;
. quelles marques phoniques sont décrites et de quelles façons ;
. de quels objets langagiers sont composés le signifiant, le signifié, et dans quelles sortes d’associations ;
. quelle distance il y a entre l’impression qu’a le lecteur de comprendre un sens caché grâce aux explications de l’auteur, et les flous de la rédaction ;
. s’il y en a, quelles sont tâches spécifiques des traducteurs pour transcoder en français les non-dits de la version originale.
L’analyse est faite à partir d’un corpus de romans français et de romans traduits en français.
Mardi 2 décembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
De quelques marqueurs discursifs polylexicaux : compositionnalité, non-compositionnalité et « traces » compositionnelles
Claire Badiou-Monferran, université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Résumé :
En invitant dans le débat la notion de « traces », récemment documentée dans Badiou-Monferran et Capin, dir. (2024), nous voudrions, sur la base d’observations diachroniques, conforter l’hypothèse selon laquelle les contraintes syntaxiques et/ou discursives venues peser, en français contemporain, sur le fonctionnement des marqueurs discursifs polylexicaux constitueraient une « trace indirecte » du format sémantique originel de leurs éléments composants. Nous pensons en effet que la majorité des produits « non-compositionnels » que sont les marqueurs discursifs polylexicaux ne se départissent jamais d’un reste compositionnel. Nous proposons de mettre cette hypothèse, engageant la question de la » rémanence » au sens Badiou-Monferran, dir., 2020 ( (ie, en tant que « persistance d’un phénomène après la disparition de sa cause ») à l’épreuve de l’histoire de quelques marqueurs de surenchère, en nous appuyant sur les données de la BMF et de Frantext.
En diachronie, pour l’expression de la relation de gradation (ou de surenchère), le français a développé deux familles de marqueurs discursifs (désormais, MD) :
(i) la famille des MD non dédiés à l’expression de la gradation, ayant acquis une valeur argumentative à la faveur d’une transcatégorisation : et puis notamment (Badiou-Monferran et Capin 2021) mais encore et aussi (Badiou-Monferran et Capin 2024) ;
(ii) la famille des marqueurs dédiés : parmi d’autres, en outre, un des marqueurs de surenchère les plu anciens ; le sous-ensemble des locutions adverbiales formées sur plus (qui plus est, et plus, de plus, en plus), s’étageant sur toute la diachronie du français ; le MD par-dessus le marché, formé à l’époque moderne (XVIIe siècle) et qui se trouve aujourd’hui concurrencé par cerise sur le gâteau.
Après avoir identifié le processus de formation de chacune de ces locutions, avoir évalué la fortune de ces dernières en diachronie longue, en cooccurrence ou non avec ET, nous nous demanderons de quoi les contraintes syntaxiques (par exemple, l’impossibilité pour qui plus est de figurer dans un énoncé comparatif) et/ou discursives (par exemple, le cantonnement de par-dessus le marché aux genres de discours conversationnels) sont indirectement la « trace », en nous appuyant pour ce faire sur la typologie des traces (notamment, mais sans exclusive, sur l’opposition « indices » vs « empreintes ») développée dans le collectif de 2024 cité supra.
Références bibliographiques citées
Badiou-Monferran, Claire et Capin, Daniéla, dir. (2024). La notion de trace en sciences du langage, in Le français moderne, 2024/1.
Badiou-Monferran, Claire et Capin, Daniéla (2021). « Cooccurrence de ET + ADVERBE en diachronie longue : délimitation et enjeux d’un nouveau champ de recherche », Linguistique textuelle et graphématique du français en diachronie, dir. Elena Llamas Pombo, Cédille. Revue d’études françaises. https://doi.org/10.25145/j.cedille.2021.19.05
Badiou-Monferran, Claire (2020). La rémanence : un concept opératoire pour la linguistique diachronique ? Le cas du français, in Le français moderne, 2020/2.
Mardi 9 décembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
La construction du sens dans la langue et la littérature :
Cognition, sémantique inférentielle et, donc, pragmatique de l’énonciation
Jorge Juan Vega y Vega, Universidad de Las Palmas de Gran Canaria
Résumé :
Certes, « l’essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de Saint-Exupéry). Mais, comment savons-nous que cela est, justement, « l’est-sens-ciel » ? En fait, comment accède-t-on au Sens des mots, et puis, de tout discours ? Est-il inné, donné d’emblée et une fois pour toutes ?
Si ce n’est pas le cas, comment « se fabrique-t-il » ?
Dans notre présentation, nous réexaminerons la question la plus importante et première de toute la Sémantique. Nous y observerons les mécanismes cognitifs et expressifs permettant l’avènement du Sens, dont le plus immédiat et nécessaire est l’inférence. Nous les explorerons de préférence à l’œuvre dans un corpus de textes littéraires, pour la simple et bonne raison que la Littérature est Langue elle-même.
C’est ainsi que la pragmatique de l’énonciation est possible, et bien souvent réussie, voire sublime. En effet,
« En se servant de structures suffisamment fortes, comparables à celles du vers, comparables à des structures géométriques ou musicales, en faisant jouer systématiquement les éléments les uns par rapport aux autres jusqu’à ce qu’ils aboutissent à cette révélation que le poète attend de sa prosodie, on peut intégrer en totalité, à l’intérieur d’une description partant de la banalité la plus plate, les pouvoirs de la poésie » (Michel Butor).
Mardi 16 décembre 2025, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSSH
Dicibilité gestuelle et équation guillaumienne expression + expressivité = 1
Samir Bajrić, université Bourgogne Europe
Résumé
L’équation expression + expressivité = 1 (style) constitue l’un des paramètres sinon les plus originaux, du moins les plus représentatifs de la psychomécanique du langage de Gustave Guillaume. Il s’avère que les faits de langue (Antoine Meillet écrivait jadis : « Les faits de langue sont qualitatifs ») oscillent constamment, voire systématiquement, entre l’expression (naissance de formes linguistique) et l’expressivité (affectivité du sujet parlant), en tant qu’ils empruntent, quantitativement et qualitativement, à chacun des deux mécanismes langagiers en question. Double exemple : i) Je vous en remercie vivement et même chaleureusement est un énoncé au sein duquel l’expression et l’expressivité se rejoignent qualitativement ; ii) un geste corporel (mouvement, inclinaison du corps et de la tête en avant) représentant le remerciement et donc dépourvu de tout geste verbal, réduit l’expression à zéro et / mais fait augmenter l’expressivité. Force est de constater que les gestes non-verbaux contribuent, dans telle proportion ou dans telle autre, non seulement à l’expressivité mais aussi et surtout aux enjeux de l’énonciation en général.
L’idée de base de cette conférence est de créer un poste d’observation qui puisse répertorier et étudier l’ensemble des gestes, fussent-ils mentaux, verbaux ou corporels dans le cadre de ladite équation. En effet, ces paramètres devraient pouvoir se prêter à l’examen de l’économie du langage à partir de diverses séries de mouvements de pensée (cinétisme chez Guillaume), allant alternativement et de manière variée entre expression et expressivité. S’y ajoutent non moins régulièrement, pour le compte de l’oralité, les charges prosodiques (intonation) qui accompagnent tout choix énonciatif et ainsi affectent l’interprétation de ce qui est dit. Cette étude vise l’objectif suivant, simple et ambitieux dans la mesure où il reprend des théorèmes bien connus et, ce faisant, offre un regard nouveau pour le compte des études guillaumiennes : repenser la grammaire des gestes, de l’ensemble des gestes, au-delà de l’acte de langage proprement dit, en l’assujettissant à la visée d’effet (visée de discours ; les termes sont de Guillaume) dont le discours est toujours porteur.
Mots-clés : expression et expressivité ; gestes ; énonciation ; mouvement (cinétisme) ; verbe faire ; interjection ; légèreté et pesanteur.